Alors il m'a demandé un rencard. Oui, oui. FREDDIE m'a demandé un rencard. C'était le 24 avril 2013, à Nîmes.
Après presque deux ans et demi à rêver de ce moment, j'atteignais enfin mon but.
Je m'y voyais déjà, vivre ce mythe dont tant avaient fantasmé avant moi, cette histoire Twilightienne version vraie vie. Ouais, comme une pauvre conne, je m'y voyais déjà, à jongler entre Paris et Londres au gré de nos envies, à écouter de vieux vinyles de geeks, vautrés sur son canapé, ma tête sur ses genoux, partageant une cigarette, grattant tour à tour le crâne de son chien venant baver sur ses cuisses. Je m'y voyais déjà, affichant ce sourire bienveillant et cette patience proverbiale, tenant nos deux valises à roulettes près du bus tournée, attendant qu'il ait terminé de signé son avalanche d'autographes. Je m'y voyais déjà, sur Facebook, "en couple avec F.C", avec autant de "j'aime" que de contacts sur le réseau. Je m'y voyais déjà, avec lui, à la dérobée, entre deux concerts, deux hôtels, deux orgasmes, à apprendre la guitare, à le bouffer des yeux à chaque accord qu'il me montrerait. Je le voyais déjà rencontrer ma mère, à faire le beau en sortant les trois pauvres mots français qu'il connait. Je me voyais même déjà dire en deux langues, à des mouflets avec des boucles brunes, "allez les enfants, mettez votre manteau, on va chez mamie Fiona/chez tonton Tom".
Oui, je l'aimais, je ne pouvais m'empêcher de voir loin.
Mais j'aurais dû me souvenir qu'il ne changerait jamais. Ou plutôt qu'il avait trop changé, depuis l'époque où je l'avais rencontré. C'est pas de ce gros con bouffi de prétention dont je suis tombée amoureuse. Ce n'est pas pour ce minet à gonflette que j'ai eu un coup de foudre. C'est pas cette petite bite désireuse de se fourrer dans trop de pouffiasses, qui me faisait fondre.
Il a demandé à me voir. Seule à seul. Il voulait que l'on se retrouve à Paris, rien que lui et moi. Il voulait se dérober de ses potes, il voulait que je lâche ma Russe que je trimballais sur la tournée. Il voulait que je lui montre le vrai Paris, Paris à travers mes yeux. Il voulait que je partage avec lui, le Paris qui me rend folle d'amour. Je concoctais déjà tout dans ma tête; un scénario qui se terminerait par un baiser volé, salvateur, à la terrasse d'un bistrot du Marais.
Il savait que je l'aimais, après tout. Pourquoi risquer avec un tête-à-tête avec moi, si je ne l'intéressais pas du tout?
Oui, je me disais qu'il avait su voir au delà. Je me disais naïvement qu'il avait compris, je me disais qu'il avait su dépasser sa superficialité. Je me disais qu'il avait réalisé que personne ne l'aimait comme je l'aime, que personne ne pouvait être autant irritée par ses nombreux, et en même temps le vouloir si fort quand même. Je me disais qu'il avait enfin retrouvé le sens des priorités, je me disais qu'au fond, l'ancien Freddie, modeste, spontané, qui n'écoute que ses envies dont je m'étais entichée n'était pas mort.
Mais bien sûr, il n'est jamais venu.
Et pendant les six mois qui ont suivi, il m'aura piétinée, usée, vidée de toute énergie, humiliée. Officiellement jetée comme une merde, un soir d'octobre, où, lui envoyant un dernier mail, je me suis retrouvée avec une notification m'apprenant que son compte n'existait plus.
ça ne l'aura pas empêchée, un soir d'août en Roumanie, en afterparty alors que je l'ignorais royalement, de venir me voir. de me serrer dans ses bras, fort fort fort, comme si rien n'avait changé entre nous. De me dire que j'étais belle. Comme ça, alors je sortais tout juste d'un festival, mon visage luisant de sueur, mes cheveux noués en un chignon désordonné, les paillettes de mon fard à paupière parsemant tout mon visage. Mais non, j'étais parfaite, il disait. Et puis, comme il aimait ma frange. Et blablabla. Il me trouvait belle même quand je ressemblais à rien. Tout comme il avait voulu me rencarder juste après m'avoir vue saoule et embarrassante. Freddie semblait me vouloir telle que j'étais. Et encore un espoir irrépressible. Une autre dégringolade.
Et puis, finir comme ça. Sans cérémonie, sans préavis, sans être prévenue. Dégagé, comme la boue de ses bottes à Glastonbury.
Au final, je m'en suis vite relevée. J'ai pleuré pendant trois jours, mais Matthieu, Frithjof, et tous les autres, m'avaient rendue plus forte. Je m'étais promise de ne plus couler à cause d'un homme, et je m'y suis tenue.
Je l'ai revue en décembre. Il voulu retenter son petit jeu de l'amnésique. quand il m'a vue, il m'a souri. Un sourire large et charmeur, comme d'habitude. Il m'a fait un grand signe chaleureux de la main. J'ai défié son regard pendant cinq longues secondes, glaciale, avant de tourner le dos.
C'est fini Cowan, j'ai gagné.
Dorénavant, je me contenterai juste de savourer la petite victoire, d'avoir été la seule, parmi des milliers, à l'avoir fait plier.
Il ne me mérite pas, c'est tellement bon de pouvoir me dire ça. Enfin.
*
Voilà, maintenant que ça c'est bouclé, je démarre un autre blog. Comme d'hab, lors d'une nouvelle petite mort, lors d'un nouvelle renaissance, je change d'adresse.
Maintenant, c'est par ici que ça se passe.